Reportage – Rallye Toulouse – Saint Louis du Sénégal

Patrick Elkan et Thierry Bensousan
Du 16 au 30 septembre 2022
PA 28 D F-GIEH

Introduction

En préambule je souhaite remercier les responsables de l’ACAM pour nous avoir facilité la réservation de l’EH avec les problèmes de maintenance associés et la nécessité de partir avec un potentiel de 50 ou au mieux de 55 H (nous avons volé 52h21), ce qui a demandé une coordination avec le Président et le vice-Président, le responsable de la maintenance de l’ACAM et l’atelier ATA d’Avignon et de tous ceux qui ont œuvré pour que ce projet aboutisse.
Crée il y a 38 ans, ce rallye est considéré comme le plus long rallye aérien du Monde, près de 10 000 km entre Toulouse et Saint Louis du Sénégal via l’Espagne, le Maroc, la Mauritanie. C’est une expérience unique sur les traces des pionniers de l’aéropostale.

Préparation

Comme tout projet aérien, cela nécessite une préparation importante et sérieuse : étude des AIP des différents pays traversés pour leurs particularités, étude des cartes de navigation et des cartes VAC, des prévisions de ravitaillement en carburant, des performances de l’avion etc… tout ceci contribuant à l’intérêt et au plaisir du rallye mais, également, de tout voyage aérien.

Choix des logiciels de navigation

Outre les cartes de navigation des pays traversés : France, Espagne, Maroc, Mauritanie et Sénégal nous nous sommes dotés de moyens modernes : tablettes avec logiciel de navigation.
Nous avions deux tablettes avec deux logiciels de navigation différents, l’une avec « AirNavPro » et la seconde avec « SkyDemon ».
A l’usage SkyDemon nous est apparu plus conviviable et plus opérationnel pour le vol VFR, nous avons gardé AirNavPro pour positionner les points IFR qui quelques fois faisaient partie de nos « Plan de Vol ».
Les logiciels de navigation sont de bons outils à condition de bien en connaître l’utilisation, sinon on passe plus de temps le nez dans la tablette que d’assurer l’essentiel qui est le pilotage et la trajectoire. Ce qui est facilement réalisable à deux pilotes, mais peut devenir très difficile voire dangereux en mono-pilote. Malgré tout, par sécurité j’ai toujours préparé nos vols en réalisant un Log papier qui a l’avantage de ne jamais tomber en panne (surchauffe dû au soleil, les doigts qui, dans les turbulences, font perdre la navigation sur les écrans tactiles (au plus mauvais moment) …).

Départ d’Avignon

Notre départ était prévu le vendredi 16/09 pour un rendez-vous à Toulouse Lasbordes avant 14h30. Afin de gagner quelques heures de potentiel, nous avons décidé de partir d’Avignon. L’atelier de maintenance devant nous livrer l’avion le matin même de notre départ. Merci à mon épouse qui a assuré la mise en place de l’équipage à Avignon, en voiture, à l’aller et au retour (Avion rendu à Avignon pour maintenance)
Pour ce faire nous sommes allés voir l’avion le jour précédent pour y charger quelques affaires : bâche, gilets de sauvetage et vérifier lot de bord en concertation avec l’atelier (roue, chambre à air, filtre à air, huile, liquide de refroidissement)
Donc le vendredi 16/09 départ d’Avignon pour Carcassonne pour refaire le plein de Jet A1 puis Lasbordes.

Le vol se passe bien malgré une météo capricieuse et une grève des contrôleurs.
A Lasbordes accueil par l’organisation et remise du paquetage de départ (paniers repas, T-shirts, casquette…), collage des stickers du rallye et des sponsors sur les avions et de notre numéro : le 10.
Le soir les 70 pilotes se retrouvent au musée de « l’Envol des Pionniers » pour une présentation des équipages (dont des Anglais, Allemands, Américains), des Français venus des quatre coins de la France, et de l’équipe des organisateurs.
Quelques invités de marques nous font des interventions diverses avant la visite du musée, l’apéro-dinatoire et le retour à l’hôtel.

Départ du Rallye le samedi 16 septembre

Les Plans de Vol sont en général déposés par l’organisation, exceptés à plusieurs escales ou chacun a dû remplir son propre PLN.
Les départs se faisant en fonction de la vitesse des appareils notre PA28 D doit partir le dernier !

Les journées sont en principe organisées sur le même modèle : lever tôt (6h ou 6h30), petit déjeuner, départ vers l’aéroport avec des moyens de transport variés – environ 70 personnes à transporter : grand car, mini car, taxi, 4×4… puis préparation des avions, briefing en groupe : route et particularités du trajet, météo, contacts radio, organisation à l’arrivée : piste et parking, cadence d’atterrissage, procédures administratives, transfert vers l’hébergement…etc., enfin ordre de départ et cadence de décollage. C’était simple pour nous, nous partions lorsque qu’il ne restait sur le parking que l’avion « serre fil » qui fermait la marche avec le mécano.

Organisation équipage : qui fait quoi !

C’est un point important à régler avant le départ.
Pour la préparation de l’avion chacun jouait sa partition : Bâche, cales, protections, essence huile, pré-vol. Pour la préparation des vols c’est un travail en commun pour les routes, la météo, NOTAM etc, complété par le briefing des organisateurs et enfin les décisions éventuelles à prendre.
Pour le vol il est essentiel qu’il n’y ait qu’un seul CDB : le pilote qui pilote, qui assure la trajectoire et fait la radio, le co-pilote étant une assistance et une surveillance du déroulement du vol.
Toute action de l’un ou de l’autre est vérifiée par un cross-check permanent : affichage de moyen radio, gestion des réservoirs carburant…etc.
Et ça marche très bien !

En cas de décision à prendre, elle est prise par le CDB après concertation de l’équipage.
Le danger est de subir l’influence du groupe et de ne pas garder sa liberté d’agir suivant sa propre analyse d’une situation. C’est un risque potentiel important qui peut faire prendre des décisions orientées par le comportement de la majorité. Il faut en être conscient pour s’en prémunir.

Organisation du rallye

L’organisation a été sans faille : gestion des avions, des transferts, des hôtels, des repas, le tout dans une excellente ambiance.
Les routes nous ont été fournies quelque temps avant le départ et rectifiées au jour le jour en fonction des contraintes diverses de derniers moments : circulation aérienne, météo, administratives…etc.

La navigation

Les navigations se font suivant les PLN déposés en respectant toutes les règles du VFR, des espaces aériens, des conditions VMC et les particularités des AIP des pays traversés.
Le CDB est seul responsable. (Et non l’organisation du Rallye).
Certains contacts radio, particulièrement en Espagne, étaient organisés par avance. Un transpondeur attribué à chaque avion, et une ou des fréquences à monitorer et à ne contacter qu’en cas de nécessité (silence radio, c’est super).
Au Maroc les cheminements VFR sont imposés et à suivre impérativement.
En Mauritanie et au Sénégal la navigation consiste à suivre la côte : facile !

La première étape était conditionnée aux conditions météo, pour faire, soit direct sur Alicante par le passage des Pyrénées, soit passer par la côte. La météo a été favorable pour faire le plus direct et le spectacle superbe.

Les arrivées sur les terrains non contrôlés nécessitent une coordination entre les équipages sur la fréquence du terrain si elle existe ou sur la fréquence de communication du rallye 12345 (123,45).
Sur les terrains contrôlés l’arrivée de 23 avions en très peu de temps mettait les contrôleurs en surchauffe avec quelques fois des moyens de régulations limités.

La météo

La météo au cours de ces 15 jours a été très diverse.
Du très beau temps, mais également de la brume et des visibilités faibles, des stratus bas voir très bas, de la pluie et des entrées maritimes sur les côtes Marocaine et Mauritanienne.
Des températures très confortables et des vents acceptables sauf quelques approches inconfortables.

Les terrains

Dans l’ensemble, nous avons fréquenté des aéroports importants : Tétouan, Casablanca Til Mellil, Agadir, Laayoune, Darkhla, Nouadhibou, Nouakchott, Tan Tan, Essaouira, Fes.
Mais d’autre sont un peu plus particuliers :
Alicante Mutxamel : Non contrôlé, piste 1000 x23 m, dans le relief, circulation au sol particulière. Arrivant de France sous Plan de Vol, les autorités d’Alicante ont détaché des policiers pour contrôler nos passeports, nos licences et les documents avion, et des douaniers pour contrôler nos bagages !
Tarfaya Cap Juby : N’est ouvert que pour le rallye, piste en sable tassé, environ 600 m, glissante en cas de freinage important, approche décalée par deux antennes dans l’axe d’approche, un monticule de terre de 1 à 2 m en travers au seuil de piste !
Une fois arrêté, coupure du moteur, clés montrées à travers le pare-brise et des volontaires poussent l’avion sur le bord de la piste dans le sable pour permettre au suivant de se poser. Lorsque tous les avions sont arrivés, il faut déplacer tous les appareils de part et d’autre de la piste sur QFU pour préparer le départ du lendemain.
Saint Louis du Sénégal : La piste est longue 1900 x 30 m, mais aucune infrastructure, le terrain étant fermé à la circulation aérienne, une autorisation spéciale donnée par les autorités locales a permis au rallye de s’y poser. La ville de Saint Louis a détaché la police pour la garde des avions et le contrôle des passeports. Le matin avant le départ nous avons demandé poliment aux chèvres qui avaient envahi le parking de bien vouloir aller brouter plus loin. Roulage, remontée de piste et décollage en auto-information.
Requena : Terrain non contrôlé dans le relief à 2340 ft, avec une activité d’aéroclub importante, la piste fait 850 x 18 m, pas de TWY mais du carburant (et du Jet A1).

En résumé

Une très bonne et intéressante aventure dans une ambiance conviviale, avec des rencontres intéressantes et même pittoresques, un parcours varié, des paysages magnifiques.
Une expérience aéronautique qui laisse de très bons souvenirs avec en toile de fond l’aéropostale et le souvenir de ses acteurs qui ont laissé des traces sur tout notre parcours.

Quelques chiffres

  • Distance : 4810 NM (8908 Km)
    • aller : 2290 NM,
    • retour : 2520 NM
  • Heures de vol : 52h24
    • aller : 27h03
    • retour : 25h21

Patrick

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